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Que reproche-t-on à Emmanuel Macron ? Réquisitoire contre l’esprit FN

Que reproche-t-on à Emmanuel Macron ? Des « griefs » symptomatiques d’un esprit FN qui parcourt la France contre la réussite et l’excellence.

On peut penser ce que l’on veut d’Emmanuel Macron et de ses réformes. Il est tout à fait possible d’estimer qu’elles ne sont que des ajustements sans impulsion politique profonde et sans idée directrice et motrice. Là n’est pas la question que je souhaite soulever aujourd’hui. Si une partie importante des français a adopté le nouveau ministre et le considère comme une bonne chose pour la France, une autre partie l’attaque farouchement, non sur ses résultats ou sa politique économique mais sur ce qu’il représente. Il n’est pas un cas isolé, les attaques dont il souffre illustrent un mal français. Une forme « d’esprit FN ».

La première « tare » d’Emmanuel Macron chez les électeurs du Front National et du Front de Gauche notamment, c’est son lien avec Rothschild & Co puisque Emmanuel Macron aura été associant-gérant de cette banque d’affaires remarquée dans le monde des « Fusions et Acquisitions » (M&A). Le raccourci est vite fait : il est « aux bottes de la finance », un « capitaliste véreux », voilà qu’on lui attribue la crise des subprimes, les refus de crédits des banques. Encore faut-il rappeler quelle fut l’activité d’Emmanuel Macron. Mais avant cela, nous devrions déjà être heureux de savoir qu’un des grands banquiers d’affaires européen renonce à un poste de très grand prestige (les fusions-acquisitions sont considérées comme un secteur d’élite de par les pesantes cadences de travail), accepte de diviser son salaire(fixe…) par dix pour travailler au service du pays. A l’heure où ces mêmes sympathisants regrettent « l’incompétence » des politiques « tous pourris », ils ne parviennent pas à se réjouir juste un peu de l’apparition d’un Ministre dont les qualités ont été reconnues dans le privé. Parce qu’il est « au service de la finance ». Venons-en donc au fait : qu’a fait Emmanuel Macron ? Un banquier d’affaires en Fusions et Acquisitions fait ce que l’on appelle de la Finance d’entreprise et non de la Finance de marché. Il n’a donc pas de lien avec la « finance mondialisée » de Wall Street et de la City si souvent évoquée. Emmanuel Macron était chargé d’établir des « deals », c’est-à-dire de faire de la veille sectorielle auprès des grandes entreprises et de proposer à ces entreprises des opportunités de rachats d’autres entreprises. C’est essentiellement une mission de conseil : il faut faire des études de marché, il faut dire au client pourquoi cette acquisition est un plus pour son entreprise qui aura été auparavant profondément sondée. Ainsi, Emmanuel Macron aura appris du côté de chez Rothschild & Co à savoir ce qu’est vraiment une entreprise. N’est-ce pas ce que tant de gens réclament chez un ministre de l’économie ? Bref, ses activités n’avaient rien à voir avec le mythe du banquier à la « Loup de Wall Street ». Emmanuel Macron établissait des propositions d’achat qui reposaient sur des analyses stratégiques et financières, évaluait la valeur des entreprises et s’occupait de finaliser le « deal » une fois le client convaincu de l’efficience de l’opération. Il plane ainsi au-dessus de la population française le spectre de la finance sans visage : sauf que l’on comprend que si elle n’a pas de visage, c’est surtout parce que personne ne se charge d’expliquer ce qu’est la finance. La finance arrange tout le monde ; c’est si facile d’en faire un bouc-émissaire… C’est si facile de dire que la crise de 2008 est due à « la finance » en mettant tout le monde dans le même paquet… Il est beaucoup plus simple de déstabiliser un ministre en faisant fantasmer le pays autour des intérêts qu’il sert plutôt que d’essayer de l’aider à la remise en marche du pays en établissant de solides bases pour un débat serein et intelligent.

Emmanuel Macron n’est cependant pas un chevalier blanc. Sa communication, qui consiste à alterner le statut de l’ingénu au-dessus des affaires politiques avec celui de l’homme brillant qu’il est, est parfaite bien qu’elle s’affaire trop à faire oublier que son ancien métier est un réel avantage de tous les jours. Voilà qu’Emmanuel Macron se défend d’être riche ; après tout il ne paie pas l’ISF… Sauf que le statut d’associé-gérant d’une commandite telle que Rothschild & Co permet d’échapper à une part de l’ISF… L’argument n’est donc pas si évident que cela. Mais cela souligne la deuxième attaque dont il est victime : il est riche … Car, si le métier de banquier d’affaires est bien rémunéré, c’est essentiellement parce que ce dernier touche une grosse commission lorsqu’il arrive à conclure un deal, ce qui fut le cas d’Emmanuel Macron. Là est une part inconcevable du mal qui touche la France. Emmanuel Macron n’a rien volé : il a travaillé de longues heures pour accumuler cette petite fortune, il l’a gagnée grâce à ses compétences et son travail. Mais il en vient à se défendre d’être riche car cela est mal vu. En France, vouloir être riche ou être riche, c’est suspect. Une partie des Français rêve d’une classe politique habillée en loques, se trainant chaque matin à l’Assemblée Nationale après avoir fait la manche dans le métro. Ce serait pour eux comme un exutoire : une forme de catharsis sur des politiques qu’ils aiment peu, pour se venger de leur propre situation. Les salaires des députés sont donc montrés du doigt. Mais dès qu’un politique acquiert sa richesse dans le privé, il n’aura pas pris un sou au contribuable donc, il devient le « prétentieux ». Rajoutons à cela l’affaire des « illettrées » et voilà Emmanuel Macron rhabillé pour l’hiver. Posons-nous quelques minutes. Quel est le rôle d’un homme politique ? N’est-ce pas de porter haut dans le débat public les faiblesses de ceux qui n’en ont pas la force ? N’est-ce pas de dire là où des gens souffrent en nommant cette souffrance plutôt que de la ranger sous le tapis pour ne pas être dérangé par ceux qui ne pourront rien dire ? Emmanuel Macron avait pointé du doigt un réel problème dans l’insertion professionnelle de ces personnes. Ce n’était pas les stigmatiser ou leur manquer de respect, c’était porter une part de leur fardeau. Si Jean-Luc Mélenchon avait tenu ces propos, personne n’aurait rien relevé. Mais cela vient du « riche » Macron. C’est donc condescendant.

Emmanuel Macron est victime d’un esprit qui pousse aujourd’hui les jeunes diplômés vers l’exil et les sirènes anglaises, américaines ou asiatiques. Victime d’un climat français insupportable au quotidien. D’un esprit de suspicion à l’égard de ceux qui réussissent. Ce climat qui pointe du doigt l’argent comme un vice immonde alors que chaque jour, chaque français se plaint de ne pas en avoir assez. Mais qui renoncerait à un revenu capable de se mettre soi et sa famille à l’abri ? Qui renoncerait à acheter sa liberté ? Voilà qu’Emmanuel Macron se sent obligé de justifier sa lignée : non, il n’est pas « vraiment » un « héritier ». Enfin, le clou du spectacle : Emmanuel Macron est attaqué pour sa façon de s’habiller. Des costumes trop bien taillés… Voilà que ses équipes de communication lui font retirer ses boutons de manchette et porter des costumes plus larges. Qu’est-ce que cette frange du « tous pourris » aurait aimé le voir sortir d’une bouche de métro avec un jean déchiré en jargonnant un français vulgaire ! Cela au moins, cela ne fait pas « fils à Papa», ni « banquier », ni « privilégié ». Il suffit souvent maintenant d’être blanc et de réussir ses études pour n’être qu’un salaud de « fils à Papa » qui n’a jamais rien fait seul pour réussir. Un salaud de privilégié que l’on pendrait bien volontiers. Ce que l’on appelait dans le passé de la distinction, de l’élégance ou tout simplement être bien élevé (voire cultivé !) devient le comble de l’esprit bourgeois si vilipendé. Je ne peux que constater que ces attaques viennent souvent du même camp : la frange d’excités estampillée FN qui parcourt le web. Il est alors amusant (ou désespérant) de se souvenir parfois que le fascisme est une « révolution bourgeoise anti-bourgeoise »… Peut-être faut-il au moins suggérer cette idée : être bien élevé, ce n’est pas être soumis « à la loi du mimétisme ». Le culte de la provocation et de l’anticonformisme tourne au cauchemar français tant il n’est que le culte de la médiocrité de l’esprit.

Cette jalousie inhérente à notre société, cette aptitude anticonformiste formellement conne à voir des complots, des trafics, de l’illégalité, je n’en peux plus. Je ne supporte plus ces vieilles rengaines de l’échec qui empêchent notre pays d’avancer. Je ne supporte plus ces écervelés qui crient tantôt au « complot sioniste », tantôt au « complot de Wall-Street » pour justifier les réussites et qui ne peuvent vivre sans rabaisser ce qu’ils aimeraient tant être appelant sans cesse les autres à « réfléchir » et donnant des leçons prophétisant un avenir fantasmé. Ceux-là même qui réclament toujours plus de respect et de considération voient leurs échecs comme une forme d’accomplissement personnel bien propre à notre société. Il est devenu de bon ton de prétendre que le génie étant celui qui pense « out of the box », il ne peut avoir une vie professionnelle et scolaire épanouies… En adoptant un Bourdieu lu en diagonale et très mal digéré, cela fait bien de dire que celui qui sort des Grandes Ecoles françaises (Macron est énarque) a un esprit « formaté ». Un vrai petit con ! Je n’en peux plus de cet individualisme minable qui dirige la société selon le dicton suivant : « Et pourquoi que moi j’ai pas ce qu’il a ? ». Car là est le point : pour cette population là, il faut d’abord bien détester les gens avant d’essayer de les connaître. Quand la France faisait de ce vieux fond les films de Louis-de-Funès, elle créait du lien et du rire entre les gens. Quand elle en fait un Front National à 25%, elle créé un climat de guerre civile. Manuel Valls dit avoir peur que notre pays se fracasse contre le Front National. J’ai plutôt peur qu’il se fracasse contre sa propre schizophrénie qui a tant honte d’être optimiste ou joyeuse et qui refuse la réussite qui « corrompt ».

Dans Des Paroles et des Actes, Florian Philippot a reproché trois choses à Emmanuel Macron : sa richesse, son ancien métier, son absence de mandat électif. Outre le fait qu’au vu des prestations de nos élus, en faire partie n’est en aucun cas un signe de gloire, Florian Philippot a symbolisé à lui tout seul la médiocrité française. L’esprit plat, le génie aux abysses et une détestation sordide à vous faire prendre un aller simple pour un ailleurs. Tout cela suinte la haine et n’est pas à la hauteur de ce à quoi peut prétendre notre pays.

Une réussite scolaire, une réussite professionnelle, une réussite monétaire, une forme de distinction, d’élégance et d’humanisme à la française : voilà les « gaffes » d’Emmanuel Macron. Trop bien élevé, trop cultivé. Aujourd’hui, je le dis, en dehors de toute perspective politique, notamment au Front National : Emmanuel Macron est trop bien pour vous. Vous savez quoi ? Débrouillez-vous seuls !


Cet article a été posté dans « Le blog ». Il n’exprime pas la pensée du Cercle du Comitium, seulement celle de l’auteur. Les propos ici n’engagent que lui. 

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