Le désengorgement de Paris n’est qu’une annexion des banlieues
La France, étant une république une et indivisible, est un pays fortement centralisé et centré autour de Paris. À ce titre Paris représente une ville à part en France, à la fois capitale politique et économique du pays, à la fois ville et département. La ville lumière fait de l’ombre à ses banlieues qui ont du mal à se développer de manière parfaitement autonome. Les politiques de la ville s’accumulent dans le but de désengorger Paris et de transférer à ses banlieues une part de son activité. S’opposent sur la politique d’aménagement des banlieues parisiennes un point de vue qui tend à les intégrer à Paris au sein d’une métropole (la métropole du Grand Paris) et un point de vue qui tend à les intégrer dans des pôles urbains autonomes et indépendants de Paris (les villes nouvelles).
De tout temps et encore maintenant, le désengorgement de Paris ne semble pas pouvoir être effectué grâce à la création de pôles autonomes qui contrebalancent son pouvoir. La voie de l’annexion des banlieues représente ainsi pour Paris l’unique moyen de continuer à croitre. Cela n’écartera pas les problèmes que rencontrent les banlieues aujourd’hui (enclavement, ressentiment, inégalités, problèmes sociaux qui s’ajoutent actuellement au chômage, à la délinquance et au communautarisme). Ce seront les lointaines banlieues d’aujourd’hui qui formeront les proches banlieues parisiennes de demain. Elles seront confrontées aux mêmes problèmes que ceux rencontrés par les proches banlieues aujourd’hui. L’annexion ne fait que repousser géographiquement le problème du lien entre Paris et ses banlieues.
Paris, centre de la France, relaye ses banlieues au second plan
Depuis la révolution française et le choix de la politique dite jacobine, Paris est le centre de la France. Dès 1790, lors de la création des départements, le département de Paris (puis de la Seine) déroge du droit commun en étant le plus petit de France. Déjà, le département limitrophe, la Seine-et-Oise, englobe Paris et ne possède pas de centralité.
Les banlieues parisiennes servent au développement de Paris et permettent de désengorger la ville. Le 1er Janvier 1860, Paris annexe la petite banlieue (la Villette, Auteil, Passy, La Chapelle, Bellevile, Gentilly). L’extension de Paris crée un contentieux avec ses banlieues qui se sentent reléguées au stade de simples banlieues. Les banlieues ne peuvent être pensées indépendamment de Paris. Cette annexion décidée par l’état – Paris n’ayant pas de maire – permet de désenclaver ces territoires en les intégrant aux réseaux parisiens (assainissement de l’eau, métropolitain, etc).
En l’état actuel, les banlieues ne peuvent devenir indépendantes.
Après la seconde guerre mondiale (1939-1945), le pouvoir de Paris est perçu comme un facteur de risque pour la politique de l’état. L’état souhaite contrebalancer le pouvoir de Paris souvent considéré avec haine par les français ne profitant pas de son rayonnement[1]. En 1964, les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise sont décomposés. En 1965, le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris (plan dit “Delouvrier ») met en place la création des villes nouvelles qui ont vocation à être autonomes et à être de nouvelles centralités pour les banlieues parisiennes.
Néanmoins, les villes nouvelles semblent n’avoir pas atteint tout le potentiel qu’on leur avait prêté à leur création. Les deux pôles de Marne-la-Vallée et de Sénart (les deux villes nouvelles restantes aujourd’hui) ne représentent pas des pôles autonomes à proximité de Paris permettant aux banlieues d’être indépendantes de la capitale. Le territoire de Marne-la-Vallée est superficiel, il est centré sur Paris comme en témoigne l’intégration de l’université de Paris Marne-la-Vallée à l’université Paris-Est en 2007. En 2016, 83% des habitants du Val-d’Europe n’y travaillent pas, Marne-la-Vallée n’est pas indépendante des flux arrivant de et allant à Paris[2]. Par ailleurs, plus de 75% des habitants du Val d’Europe ont moins de 40 ans et vivent principalement dans des résidences individuelles. Les habitants sont de jeunes couples qui fuient la capitale tout en profitant de son influence. Marne-la-Vallée, comme toute autre banlieue parisienne, ne peut être pensée indépendamment de la métropole parisienne.
Les développements des banlieues passent par l’intégration à la métropole parisienne qui souhaite s’étendre.
Depuis les années 2000, dans un schéma d’urbanisme opposé au schéma de 1965, la métropole du Grand Paris a été créée[3] afin d’élargir les réseaux parisiens à ses proches banlieues. Cela a pour but d’augmenter le rayonnement économique de la capitale en l’intégrant dans une métropole dont ses banlieues font parti. Ainsi les proches banlieues parisiennes semblent avoir vocation à s’intégrer au rayonnement de Paris dans une relation de totale dépendance et non d’autonomie. Le développement de Paris en “tâche d’huile » que le plan Delouvrier voulait arrêter reprend avec la création du Réseau du Grand Paris Express[4].
Cet agrandissement de Paris est nécessaire afin de répondre à la crise du logement parisienne et au désengorgement de Paris. Il passe par une spécialisation professionnelle des territoires de proche banlieue qui s’intègrent à la métropole. La Défense est le centre économique, Rungis le centre agroalimentaire, Saclay le centre académique, Eurodisney le centre de loisir, Saint-Denis le centre sportif, etc. Cela conduira à terme à l’annexion de la petite couronne à la ville de Paris. En Juin 2017, un potentiel projet de fusion des département de la petite couronne (92,93,94) avec la métropole du Grand Paris a été dénoncé par le président du Val-de-Marne[5]. Ce geste politique ancrera l’échec des villes nouvelles en revenant sur la séparation des départements de 1964 qui avait été suivie par le plan Delouvrier en 1965.
La capitale s’étend tentaculairement sur ses banlieues. Ce fut toujours ainsi et ce sera toujours ainsi. Pour désengorger Paris des pôles sont créés aux alentours de la ville. Ces pôles, ne pouvant être autonomes, s’intègrent aux réseaux parisiens et finissent finalement par être phagocytés par Paris repoussant le problème des proches banlieues aux banlieues plus lointaines.
Théophile Cabannes
[1] Paris et le désert français, Jean-François Gravier
[2] Insee, RP2009 (géographie au 01/01/2011) et RP2014 (géographie au 01/01/2016).
[3] Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur ses projets en matière de politique d’aménagement durable, à Roissy le 26 juin 2007.
[4] http://mediateur.blog.lemonde.fr/2017/10/13/infranstructures-le-grand-paris-express-erreur-du-siecle/
[5] http://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/ile-de-france-inquietudes-sur-le-projet-de-fusion-des-departements-de-macron-06-06-2017-7024389.php